Histoire
❝ I am dead
freezing. ❞
Je n’ai jamais ressenti une douleur aussi intense. Elle ne durera pas longtemps, mais je ne le sais pas encore. Je n’arrive pas à localiser l’emplacement exact des blessures qui m’ont été infligées ; mon corps entier est endolori et… j’ai froid. Je n’ai jamais eu aussi froid. Je ne parle pas des températures basses de l’hiver qui vous font frissonner et claquer des dents. Je vous parle d’un froid transperçant, qui enveloppe votre corps et qui atteint vos os sans la moindre difficulté. Je vous parle d’un froid brûlant, surpuissant et… mortel ? En tout cas, ça en a tout l’air. Je ne veux pas mourir, mais je n’ai même pas le temps d’y penser. Je ne veux pas penser à moi. Je pense juste au fait que j’ai échoué. Je n’ai pas réussi à protéger Père de son assaillant. Assaillant que je n’ai même pas eu le temps d’identifier. Je me souviens seulement de quelques traits, et encore… Autrement, il utilise sûrement de la magie de glace, mais comment puis-je avoir confiance en mon jugement dans cet état ? De toute façon, il est trop tard…
Je vous prie de m’excuser, Père.
Désormais, il me reste à peine assez de temps pour me souvenir de ma courte vie. Ce sera ma dernière pensée avant le silence.Part I: せいたん & おいたち
La première chose dont je me rappelle est ma naissance. Je ne fus pas le premier enfant du couple royal. Ce rôle, c’est Kazuho, de quatre ans mon aîné, qui le tient. De ce fait, mon grand-frère dut subir une pression que je ne connus pas personnellement puisqu’il serait plus tard l’héritier du trône, mais mes parents, et particulièrement ma mère, me chérissèrent tout autant : seulement d’une manière différente. En effet, mes géniteurs ont toujours été très protecteurs envers moi.
Père…J’ai eu la chance de faire partie d’une famille incroyable. J’ai bénéficié de tout l’amour qu’un enfant puisse espérer recevoir de ses parents. Dès mon plus jeune âge, j’appris les valeurs de notre pays, Da’Lin : “honneur, respect et courage”. Une fois ces principes ancrés en moi, il ne me fallut pas beaucoup de temps pour les mettre en pratique. Même si très jeune, je m’efforçais de penser à ces mots à chacune de mes actions. Maintenant que j’y pense, c’est vrai que je me suis toujours mise une pression incroyable de manière générale. Je voulais briller, être une fille ainsi qu’une soeur parfaite. Je ne réclamais jamais de récompense : l’étincelle dans les yeux de mes parents et de ceux de Kazuho me suffisait.
Père…C’est pour cela qu’il fut difficile pour moi de supporter l’intérêt particulier de mon père pour mon grand-frère. Evidemment, ce favoritisme était justifié, mais j’ai mis beaucoup de temps à l’accepter et à le comprendre. Certes, Kazuho devait être le successeur de Père s’il lui arrivait quoi que ce soit, mais étant hypersensible à l’injustice (et d’ailleurs, hypersensible de manière générale), je ne pouvais le supporter. Aujourd’hui, je regrette un peu d’avoir pu être aussi puérile, mais je suis également fière d’avoir surpassé ces sentiments amers et également d’avoir construit la relation que j’ai eu avec mon frère. Celui-ci me manque déjà. Serai-je encore capable de le voir, d’imaginer son sourire et de me souvenir de sa bienveillance dans l’au-delà ? Je l’espère. Mes autres frères et soeurs, aux dernières nouvelles, sont toujours jaloux de Kazuho. Désormais, ils n’auront plus vraiment de raison de l’être, alors j’espère sincèrement qu’ils ne garderont pas ce léger ressentiment envers le prince héritier ; ce serait vraiment dommage. De plus, mon grand-frère ne mérite pas cela. Cela me fait penser, d’ailleurs, que Mère et tous mes frères et soeurs ne méritent pas ce qui est arrivé. Perdre deux membres de la famille en quelques minutes… C’est un sentiment égoïste, mais quelque part, je préfère périr que d’avoir à les regarder dans les yeux après avoir échoué à la protection du Roi. Si j’avais été plus rapide que… ce monstre…
Père… Décidément, son image me hante ; mon esprit ne me laisse aucun répit, même si proche de la mort. Peut-être qu'il préfère souffrir que de croire qu'il va mourir : cela prouve qu'il est toujours vivant.Part II: ゆうかい
La deuxième chose dont je me souviens est un élément majeur de ma vie. Toute la famille royale s’était rendue en Agartha, afin de discuter avec les dirigeants des accords entre ces deux nations et d’un éventuel plan préventif au cas où leur relation avec Valundra se dégraderait encore plus jusqu’à mener à de potentiels conflits. Ils n’avaient pas fait de cette partie de la discussion le motif officiel de cette réunion pour des raisons évidentes : il fallait être prudent au cas où cela arriverait aux oreilles des chefs de Valundra. Les conséquences pouvaient être terribles.
Valdis…La réunion se passa à merveille. Nous fûmes ensuite invités à partager un dîner avec la famille royale de la Cité Volante qui se déroula dans la bonne humeur et la gaieté, ce qui me fit beaucoup de bien. De plus, le paysage d’Agartha m’avait toujours beaucoup plu. Bien sûr, j’étais au courant des sacrifices pratiqués ici, et trouvais cela particulièrement injuste, mais je me permettais rarement de juger ; après tout, notre nation n’était pas parfaite non plus. Seulement, nous étions doués pour cacher ses défauts.
Valdis…C’est sur le chemin du retour que l’inattendu pointa le bout de son nez. Nous nous étions arrêtés pour la nuit dans un endroit qui nous semblait paisible et propice au campement temporaire. La température étant plutôt agréable en cette soirée, j’avais décidé d’aller me balader et profiter de l’environnement. C’était une habitude, même en Da’Lin : j’aimais marcher, cachée de tout le monde, afin de me ressourcer et de constater la beauté de la nature. Seulement, je n’avais pas prévu de me faire enlever par une wyverne… Au moment où je me retournai après avoir entendu le bruit des battements d’ailes dans l’air, c’est comme s’il était déjà trop tard. Je n’eus même pas le temps de dégainer mon épée que je me retrouvai dans les airs, à des mètres du sol, prise au piège entre les griffes de cette wyverne. J’aurais pu m’agiter, crier à l’attention de l’individu qui la dirigeait (que j’avais brièvement entrevu), mais je n’en fis rien. Au contraire, je me surpris même à prier pour qu’elle ne me lâche pas.
Valdis…Lorsqu’elle atterrit, je repris mes esprit avant d’interpeller mon agresseur.
“
Je peux savoir qui vous êtes ? Et ce que vous me voulez ?!”
Je ne réussis à obtenir aucune réponse. Je n’eus le droit qu’à un sourire en coin de la part de l’individu masqué, aux cheveux rougeâtres. Cette attitude m’agaça au plus haut point, et je ne me fis pas prier pour dégainer mon arme devant lui.
“
Calme-toi, s’il te plaît. Il ne va rien t’arriver de mal. Comment tu t’appelles, déjà ?-
Nikita.-
Enchanté. Je m’appelle Valdis. Je suis chef des nomades de la région de Phaena et dresseur de wyvernes.”
Ce fut la manière dont je rencontrai Valdis, pour qui je ne tardai pas à nourrir une profonde affection, au fil des jours. Quand j’y pense, cela me parait vraiment fou que je n’aie pas songé à poser plus de questions que ça : mais j’étais tellement sonnée par les événements… Par la suite, j’appris à connaître mon ravisseur.
Valdis...Il m’avoua qu’en réalité, il abhorrait l’esclavage. Cette explication avait du sens : j’avais remarqué que tous les individus présents, moi incluse, étaient plutôt bien traités. Cela m’avait surprise tout au début : je ne comprenais rien. Pourquoi enlever des gens si au final, on ne leur voulait aucun mal ? Puis il m’expliqua qu’il était obligé de faire ça vis-à-vis de son poste : obligé de faire croire qu’il entretenait un esclavage cruel. Dès lors, je compatis grandement avec le chef des nomades. Faire semblant d’être quelqu’un qu’on n’est pas… Je connaissais bien cette problématique, mais d’une toute autre perspective. De mon côté, je m’efforçais constamment de paraitre comme quelqu’un de froid alors qu’en réalité, j’étais tout l’inverse. Heureusement, de mon côté, comparé à Valdis, c’était facile et sans véritables conséquences.
Lors de cette discussion, le dresseur de wyvernes apprit à sa grande surprise que j’étais la princesse de Da’Lin. Cela m’avait fait beaucoup rire. Comment pouvait-il ignorer cette information ? Moi qui croyais que mon titre était au moins une des raisons de mon enlèvement…
Valdis…Dès lors, lui et moi devînmes très proches. J’étais consciente que c’était bizarre d’établir un lien affectif avec son “agresseur”, mais ce nom ne lui convenait pas du tout. C’était un scandale de le qualifier d’une telle façon. Je l’aidai donc notamment à prendre soin des wyvernes et il m’emmena visiter le désert et les terres arides de cette région à plusieurs reprises. Ce sont des souvenirs incroyables. Ma famille me manquait terriblement, bien sûr, mais avec le temps, j’avais tissé des liens avec la communauté, et surtout, je m’étais éprise de Valdis. Cette affection était mutuelle, et d’ailleurs, elle l’est toujours, je le sais : seulement, je n’ai jamais réussi à lui avouer. Sûrement parce que je n’ai toujours pas réussi à me l’avouer à moi-même.
Valdis…Part III: きせい & さんぱい
Cette vie plus ou moins paisible dura trois mois. Trois mois au terme desquels nous reçumes une visite, ce qui était très rare. Quelle fut ma surprise lorsque je me rendis compte que l’étrange visiteur était Kazuho, mon grand-frère, qui n’avait cessé de me rechercher depuis mon enlèvement. Nous nous prîmes dans les bras l’un de l’autre et évidemment, il voulut me ramener à la maison. Les larmes aux yeux, je dus faire un au revoir rapide à mes amis et surtout à Valdis. Je le pris dans mes bras et glissa un petit baiser dans son cou en m’efforçant de ne pas éclater en larmes. Juste avant mon départ, celui-ci m’offrit un masque bleu, assorti à mes cheveux, que j’ai toujours gardé près de moi depuis.
Ce fut la dernière fois que je vis mon dresseur de wyvernes.
Kazuho…Sur le chemin du retour, je racontai mon aventure à mon grand-frère. L’arrivée, la peur, le temps, l’affection… Celui-ci ne comprit pas mon attitude tout de suite, mais à force d’explications et d’écoute, il respecta et accepta mon comportement passé. A son tour, il me raconta l’inquiétude, celle de toute la famille et du peuple de Da’Lin mais surtout la sienne, et nous pleurâmes plus d’une fois. Je me souviendrai toujours de ce retour à la maison : ce fut une grande étape dans la relation de mon frère et moi.
Kazuho…Une fois arrivée, je fus accueilli chaleureusement par toute ma famille. Cela m’avait fait tellement de bien de les revoir – même si Valdis me manquait déjà, je savais que rentrer en Da’Lin était la bonne chose à faire. Mon père fut si soulagé qu’il pardonna tout de suite à Agartha l’incompétence dont elle fut preuve pendant qu’on me recherchait. Finalement, la vie reprit son cours très normalement. Il me fallut un temps d’adaptation pour me réhabituer à la vie de palais, mais je réussis à le faire sans trop de difficultés. Parfois, il m’arrivait juste de pleurer l’absence de Valdis en me remémorant tous les merveilleux moments que nous avions passés ensemble.
Kazuho…Et j’en arrive à aujourd’hui. Cette journée maudite. Comment a-t-on pu en arriver là ? Je crois bien que je ne me pardonnerai jamais la mort de Père, si je m’en souviens dans l’au-delà. La vue de son corps ensanglanté et inerte m’a horrifiée. Je n’ai jamais été naïve ; j’ai toujours su que malgré les apparences, ce monde était dangereux, et surtout, qu’il le devenait de plus en plus. Mais je m’étais jurée de ne pas le laisser m’atteindre, moi et mes proches. Je m’étais jurée de protéger ceux que j’aime de la cruauté de ce monde. Et j’ai échoué.
J’ai échoué, j’ai échoué, j’ai échoué.
Pardonnez-moi, Père. Kazuho, Mère, et tous les autres, notre peuple y compris… Je vous prie de me pardonner, car je ne me pardonnerai pas. Je suis désolée de ne pas avoir été à la hauteur. A présent, il est temps que je m’en aille. J’espère de tout mon coeur que je pourrai tous vous soutenir et vous protéger depuis l’au-delà.
Mes yeux s’embuent de larmes une dernière fois alors que je crois apercevoir la silhouette de mon grand-frère.
Kazuho…❝ Je ne sais pas
où je vais;
Je m’en
vais. ❞